Les premiers gaspilleurs ne sont pas égratignés, ils s’en tireraient même bien, avec quelques efforts publicitaires « socialement corrects et responsables ». Les groupes de l’agroalimentaire et de la grande distribution ne sont-ils pas concernés, au premier chef, du fait de leur stratégie. Pour ne prendre que quelques exemples :
– Le packaging en plusieurs lots pour faire vendre plus est propice aux stratégies patronales qui visent à atteindre leurs objectifs de chiffre d’affaires et de marges bénéficiaires. Et lorsqu’en plus il s’agit de produits frais avec des dates limite de consommation (DLC), il ne faut pas s’étonner qu’il y ait des pertes.
– L’organisation du travail en flux tendus entraîne par exemple un remplissage des rayons, non en fonction des capacités de vente, mais pour éviter toute absence de la marque choyée. Les invendus, et donc les pertes, peuvent être importants en fonction des DLC. Le gaspillage provient également des pertes de matières premières issues d’un disfonctionnement des machines ou de leur inefficience ou de produits finis qui ne répondent pas aux divers critères de qualité, poids ou emballage défectueux qui grèvent les coûts de production et dont on ne parle jamais. Il est plus facile de faire pression sur les salaires que d’investir dans une maintenance permanente dans les usines pour régler, maintenir ou moderniser l’outil de production.
– Source de gaspillage financier, les budgets publicité/promotion atteignent, dans les grands groupes agroalimentaires et de la grande distribution des sommes équivalentes à la masse salariale, ce qui est scandaleux. Dans le même temps, où restructurations et plans de sabordage démultiplient les charrettes de licenciements, des sommes folles sont dépensées, gaspillées dans des campagnes publicitaires souvent au niveau culturel et moral plus que douteux. Les innovations portent pour une part importante, sur les emballages. Rien ou presque n’est fait quant à la qualité des produits. L’objectif est de vendre avec des marges toujours plus grandes.
La concurrence que se livrent les grands groupes, sur un secteur dont l’objectif unique devrait être de répondre aux besoins alimentaires et nutritionnels de la population, en quantité et en qualité, engendre des gâchis énormes dont personne ne parle au nom du « libre marché » et de la propriété privée. Sans parler du gâchis humain qu’entraînent les restructurations et les licenciements ou les rachats-fusions qui aboutissent à digérer un concurrent en octroyant aux directions et actionnaires intégrés des sommes sans aucune correspondance économique ou sociale.
Enfin le plus grand gaspillage n’est-il pas dans l’exploitation renforcée des travailleurs de nos professions. Le niveau des salaires, les conditions de travail déplorables, les économies de bout de chandelle sur les investissements sont le lot quotidien de centaines de milliers de salariés. Dans le même temps, au bas mot, dans le groupe Unilever, pour ne prendre que celui-là, chaque salarié rapporte au capital 5.224 € par mois, gaspillés en salaires mirobolants pour les dirigeants d’entreprises, en stock options, en dividendes aux actionnaires, en privilèges monarchiques. N’est-ce pas là le plus grand gaspillage à combattre, à éliminer.
Les gaspillages énormes engendrés par le système lui-même doivent être combattus, ce qui permettrait de s’attaquer aux causes réelles de la faim et de la pauvreté.